1) CE, 16 novembre 2009, Région Réunion, req. n°307620. Pour faire simple, la société requérante a tenté de faire jouer plusieurs anciennes jurisprudences pénalisant :
- les erreurs faites par la collectivité dans la communication du rapport d’analyse des offres en mettant en avant le fait que le rapport d’analyse des offres communiqué comportait des informations susceptibles de nuire à une concurrence loyale (A mon sens, reprise de la jurisprudence du CE du 4 juillet 2005 n°269177, selon laquelle « ce second document contenait des indications détaillées, qui n'avaient pas été occultées, relatives aux montants et aux détails des offres qui n'avaient pas été retenues ainsi qu'aux notes et appréciations portées sur chacune d'entre elles ; que la communication de telles informations est intervenue en méconnaissance de l'obligation de discrétion professionnelle à laquelle était tenu M. X ainsi que, au demeurant, en violation des règles de passation des marchés publics rappelées ci-dessus qui font obstacle à ce que soient communiquées à une entreprise qui, comme en l'espèce, demande à l'issue de la procédure de passation des marchés que lui soient indiqués les motifs du rejet de sa candidature, des renseignements dont la divulgation porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes des entreprises et à une concurrence loyale entre elles »
- Le fait que la société aurait reçu des informations confidentielles sur ses concurrents (voir par exemple, la décision du TA de Paris du 15 octobre 2007, n°0714061, S"ociété Bertin technologique" où le juge rappelait que l’obligation de confidentialité s’impose non seulement au contenu des candidatures mais également à l’identité des candidats. Toute violation de cette exigence entraînant l’annulation du marché)
Malheureusement pour la société, le conseil d’Etat balaie tous ces arguments en se retranchant derrière sa jurisprudence SMIRGEOMES (que l'on ne présente plus). Tous ces éléments étant intervenus après la sélection des offres ne pouvaient affecter, altérer la concurrence entre les entreprises candidates à l’attribution du marché !
La société requérante mettait également en avant le fait que la société attributaire n’avait pas respecté l’une des formalités du RC (mettre la variante dans une troisième enveloppe) et aucun élément dans le pv de la CAO ne justifiait la qualification de la société attributaire. Une fois encore, le juge indique que les sociétés membre d'un groupement, dont la candidature avait été admise ne démontrait pas en quoi ces manquements, à les supposer établis les auraient lésés ou aurait été susceptible de les léser eut égard à leur portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte. Personnellement, je trouve que le Conseil d’état va pour le coup vraiment très loin… A partir du moment où une entreprise a vu sa candidature admise, celle-ci ne pourrait donc plus contester les irrégularités commises au stade de la candidature au motif que ça n’aurait rien changé ? Raisonnement, il me semble, extrêmement difficile à admettre, car si effectivement la candidature de la société attributaire était irrecevable, cela aurait tout de même changé la donne!
Enfin le Conseil d’état porte un coup d’estoc fatal au juge des référés :
« Considérant enfin qu’il n’appartient pas au juge du référé pré-contractuel de se prononcer sur l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur, à l’issue de la consultation, sur les mérites respectifs des offres »
L'avenir est décidément bien sombre pour les sociétés faisant des recours... 2) CE, 16 novembre 2009, Ministre de l'Immigration et Association Collectif Respect, req. n°328826 et 328974.
Il résulte de ces éléments que la notion de candidat évincé est donc plus large que les candidats ayant répondu à la procédure et comprend bien ceux qui auraient pu postuler. Toutefois, encore faut il qu’ils en apportent la preuve… A moins que le cahier des charges ne prévoie une spécification technique écartant manifestement les candidats potentiels, sans être justifiée par le besoin de la collectivité, on voit mal comment les entreprises non candidates pourraient s’en servir. Cela ouvre donc une fenêtre tout en y installant un beau grillage dans le prolongement de la jurisprudence désormais bien connue SMIRGEOMES! Sur le second point, il m’a paru intéressant de le relever, car les exemples de jurisprudence concluant finalement que le candidat n’avait pas de capacité technique, professionnelle et financière suffisante pour exécuter le marché sont à ma connaissance extrêmement rare.
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